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107 – ANNE DE FERRARE-ESTE (1531-1607)

Duchesse de Chartres et de Nemours

Duchesse de Chartres et de Nemours, liée aux Este, aux Borgia et aux Guise, une des princesses les plus célèbres de son temps par sa beauté tout comme celle de son mari.

Anne était la fille d’Hercule d’Este-Ferrare (1508-1559), petite fille de Louis XII (1462-1515) par sa mère Renée de France mais par son père elle était aussi petite-fille de Lucrèce Borgia (1480-1519), elle-même fille du pape Alexandre VI (1431-1503).

En 1563, elle se retrouve veuve après l’assassinat de son premier mari, François de Lorraine-Guise (1519-1563) qu’elle avait épousé en 1548, et auquel elle avait donné sept enfants (dont Henri le Balafré, Catherine de Lorraine (1552-1596), Charles de Mayenne et le cardinal Louis qui est tué à Blois en même temps que son frère Louis en 1588).

 

Portrait d'Anne d'Este par Léonard Limosin, vers 1570, émail peint sur cuivre, Londres, British Museum.

Brantôme a célébré sa beauté : «La plus belle femme en ces jours verdoyants de la chrétienté...» et sa bonté. Sous l’impulsion de la reine Catherine de Médicis mais aussi de sa mère, Anne épouse en 1566 Jacques de Savoie-Nemours (1531-1585) le propre fils de Charlotte d’Orléans {106} et petit-fils du duc Philippe II, qui avait le double avantage de la faveur du roi de France et d’une longue et fidèle amitié avec les Guise eux mêmes. Comme sa femme, le marié était très beau et avait fait l’unanimité de ses concitoyens sur son charme : «Très beau prince, de très bonne grâce, brave, vaillant, bien disant, bien écrivant, s’habillant de mieux» (Brantôme), «chef d’œuvre de la nature… l’homme du monde le mieux fait et le plus beau…». (Madame de La Fayette).

Bien sûr le mariage pour être brillant n’en est pas moins assez ambigu, car le « beau Nemours » était célèbre par ses succès féminins. « Le fort aimé des dames » s’était déjà manifesté auparavant en demandant la main de Lucrezia la sœur de Anne, il aurait déjà eu, selon Brantôme, une relation avec Anne elle-même dès 1561 mais surtout il s’était déjà fait remarquer par sa liaison avec Françoise de Rohan, dame d’honneur de la reine-mère Catherine de Médicis, à laquelle il avait déjà fait un enfant d’où un énorme scandale (la victime était fort liée aux familles d’Albret et de Navarre) et bien sûr un procès retentissant.

Il s’enorgueillissait aussi d’avoir été courtisé par la reine Elisabeth d’Angleterre, mais disait-il, il avait finalement été vaincu par « une dame qui le serrait trop d’amour » (c’est à dire Anne). Henri Bordeaux a d’ailleurs largement développé la description de cette union passionnée dans « les Amants d’Annecy ».

Difficile de déterminer la part du mariage de 1566 dans les relations des Nemours avec les Guise. Jacques était le cousin germain du roi François I°, rallié à la cause française dès 1546 , familier de Charles IX, membre de son conseil et gouverneur du Lyonnais, du Dauphiné et de l’Auvergne, grand général et grand diplomate, il avait été très tôt dans l’entourage de François de Guise et connut donc bien sa famille d’autant que François a été gouverneur de la Savoie en 1547. Ultra-catholique, Jacques, qui a combattu avec zèle son cousin et suzerain familial Emmanuel–Philibert, négocie pourtant avec lui dès la signature du traité de Cateau-Cambresis et lui accorde la restitution des places gardées encore par la France, ce qui lui permet d’obtenir le pardon du duc et en 1564, donc à la veille de son mariage, la promotion de son apanage de Genevois en duché.

Jacques de Savoie-Nemours. Anne d’Este se remariait avec Jacques de Savoie, duc de Nemours et de Genevois. On disait à la cour que, malgré les années, elle était toujours aussi belle et avait conservé sa jeunesse. Jacques de Savoie avait été épris d'elle il y a fort longtemps et l'avait soutenue lors de la mort de son époux. À partir de cette date, elle passa la plus grande partie de son temps à Annecy, ou en voyages entre le Genevois et la cour de France.

En se mariant, Anne avait procuré à Jacques le comté de Gisors, le duché de Chartres et les seigneuries de Vernon, bel accroissement de la fortune déjà considérable de ce dernier fondée sur le duché de Nemours et le comté de Genève. Sitôt le mariage célébré, le couple revient dans son apanage genevois et. entre ainsi solennellement à Annecy dont les notables sont d’autant plus ravis que Chambéry n’a plus de prince résidant depuis longtemps, mais l’intérêt, la prudence (Anne se veut conciliatrice) et l’ambition poussent les Nemours à s’installer bientôt à Turin car le couple ducal n’a qu’un d’enfant et en plus fragile (le futur Charles-Emmanuel né en 1562) de sorte que Jacques est longtemps considéré comme un héritier naturel et potentiel du souverain savoyard. Cependant son rôle s’amoindrit progressivement car gravement handicapé (d’une goutte incurable) et affaibli (dès 1569) puis ayant progressivement renoncé à toutes ses fonctions, il se retire de plus en plus en Savoie et en Piémont où il meurt « réduit de tout à impotence » en 1585 laissant une nouvelle fois Anne veuve avec quatre nouveaux enfants.

Pas question pour cette femme obstinée de rester éplorée et inactive, elle revient en France et de nouveau se lance dans une active politique de soutien à ses amis ligueurs (auxquels elle apporte l’appui de ses fils savoyards Henri et Charles-Emmanuel), ce qui lui vaut l’hostilité de Henri III qui fait assassiner ses fils (Guise) et qui va l’emprisonner un moment (d’où la rumeur qui suivit selon laquelle elle ne fut pas étrangère à l’assassinat même du roi). Accablée mais point battue, elle apparaît comme la « reine mère des ligueurs » soutenant avec passion son fils le duc de Mayenne dans son projet exalté d’arriver sur le trône de France mais ses défaites et la conversion du roi la ramènent à un réalisme prudent qui lui permet de réapparaître à la cour d’Henri IV et de finir sa vie agitée dans une relative tranquillité, .Elle mourut en mai 1607 et le duché de Chartres revint à son fils Henri 1er de Savoie (1572-1632) qui le vendit en 1623 à Louis XIII pour 250.000 écus d’or. Quant au duché de Nemours, il resta dans la famille de Savoie jusqu'en 1657, repassant ensuite à la couronne de France jusqu'en 1689, lorsque Louis XIV le donna à son frère Philippe, duc d'Orléans.

Que de contrastes dans cette vie exceptionnelle ! alors que sa mère très portée sur l’humanisme évangélique des premières années du siècle s’était fait connaître comme une amie et une protectrice de Calvin, Anne devient le symbole de l’ultra-catholicisme de la Ligue qui lui fait perdre son premier mari et deux de ses fils. On parla beaucoup de sa haine pour les Coligny qui avaient pourtant été très liés à sa mère mais qu’elle accusa du meurtre de son mari d’où par vengeance son propre soutien à l’assassinat de l’amiral en 1572. D’un autre côté, elle sut néanmoins prendre des options plus pacifiques, jouant un rôle essentiel dans la réconciliation de Jacques de Nemours avec son cousin le duc Emmanuel-Philibert puis en se ralliant elle-même à Henri IV contre lequel elle s’était longuement acharnée.


  • BRUCHET M. : Etude biographique sur Jacques de Savoie suivie de son introduction et discours sur le faict du gpuvernement. Annecy. 1898. 64 p.
  • DUCIS C.A.  : Anne d’Este, duchesse de Genevois et de Nemours. Revue Savoisienne 1891. p.8.
  • LELOUP Huguette : Anne d’Este ( 1531-1607) fille ainée de Renée de France, duchesse de Guise puis duchesse de Nemours, dame de Montargis. Ed. spéciale du Bulletin de la Société d’Emulation de l’arrondissement de Montargis. Série 3, 119, 2002.
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    PUAUX A. : La huguenote Renée de France, Paris, 1897.
  • RICHARDS P. : The Guise women : politics War and Peace dans « MUNNS J. et RICHARDS P. » Gender, power and privilege ». Londres, 2003
  • RODOCANACHI. E. Renée de France, duchesse de Ferrare. Paris, 1896.
  • VESTER M.A. : Jacques de Savoie-Nemours. Genève, 2008, 358 p.
  • VIENNOT E. : Des femmes d’Etat au XVI° siècle, les princesses de la ligue et l’écriture de l’histoire. dans HAASE- DUBOSC et VIENNOT E. : Femmes et pouvoirs sous l’Ancien Régime. Paris, 1991.
  • VIENNOT E. : Veuves de mère en fille au XVI° siècle, le cas du clan Guise. dans PELLEGRIN N. et WINN C. : Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime  » Paris, 2008.