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97 – CATHERINE-MICHELLE D’AUTRICHE (1567-1597)

Duchesse de Savoie

2° fille de Philippe II d’Espagne et d’Elisabeth de France (sœur de la duchesse Marguerite. {96}

Les infantes Isabelle et Catherine

Bien sûr elle eut la malchance de perdre sa mère un an après sa naissance mais en dépit des apparences son père lui fut toujours dévoué ainsi que sa belle-mère (Anne d’Autriche nièce et seconde femme de Philippe II).

Emmanuel-Philibert était mort en 1580 sans avoir envisagé ni préparé le mariage de son fils Charles-Emmanuel I°, né en 1562 qui de ce fait dut tout régler par lui même (ici avec l’intermédiaire de dom Amedeo de Saint Rambert, lieutenant général de Savoie et fils naturel d’Emmanuel-Philibert). Le jeune duc épouse finalement en juin 1585 à Saragosse sa cousine germaine Catherine–Michele après avoir successivement refusé la sœur d’Henri IV, une fille du duc de Mantoue, une fille du grand duc de Toscane, et Christine de Lorraine nièce d’Henri III, mais le jeune souverain préféra ce mariage éminement politique pour obtenir l’alliance espagnole si utile pour la satisfaction de toutes ses ambitions (en particulier la reconquête de Genève). La décision était importante car il importait aussi de faire revenir l’austère roi d’Espagne sur ses réticences vis à vis du duché (n’avait-il pas refusé à Emmanuel-Philibert de passer roi du Portugal ?) ce qui explique l’apparent enthousiasme sentimental du jeune duc pour sa nouvelle épouse qu’il couvre de cadeaux somptueux (120.000 écus soit bien plus que la dot de la jeune fille qui en fait n’en eut point (hormis 20.000 écus d’or de bijoux) – Philippe II préférant finalement laisser de l’argent à sa fille plutôt que de renoncer à des territoires et préférant ensuite se contenter de verser le seul intérêt de la dot à défaut de cette dernière) avant de la «livrer» au jeune duc qui la ramène en Piémont par Barcelone, Nice et Savone.

Le père Ménéstrier a décrit avec lyrisme l’éclat de la réception du jeune couple dans le port de Nice dans trois bateaux en forme de monstre dont l’un couvert d’yeux faits de miroirs et d’écailles argentées et bigarrées de diverses couleurs supportant un grand écueil couvert d’herbes marines et de corail avec des «nymphes agréablement vêtues, la principale vêtue de brocart d’or avec un beau collier de grosses perles et une ceinture de tortils de perles et de corail, qui tenait dans sa main gauche un vase d’or avec un cœur d’argent couvert d’un rouge transparent, elle portait en sa main droite un sceptre d’or et représentait la ville de Nice. Qui salua la princesse en lui récitant des stances italiennes par lesquelles elle lui offrait les clefs de la ville et le cœur des citoyens «On ne pouvait être plus baroque, plus prétentieux et plus hypocrite.

Petite, noiraude, avec une visage grêlée par la variole, peu expressive, peu cultivée, raide et sans grâce, la pauvre princesse ne pouvait espérer à Turin ni succès ni influence. Sa seule utilité fut néanmoins de donner en 12 ans, 10 enfants à son mari (en ce sens plus chanceuse que sa sœur Isabelle restée sans enfant de son union avec l’archiduc Albert de Habsbourg gouverneur des Pays Bas) : quatre fils connurent une belle carrière historique : Victor-Amédée (duc, 1587-1637), Emmanuel-Philibert (grand amiral d’Espagne, 1588-1624), Maurice (Le cardinal, 1593-1657) et Thomas de Carignan (1596-1656) – deux filles entrèrent en religion : Marie-Apollonie (religieuse, 1594-1656) Françoise-Catherine (religieuse 1595-1640) faute d’avoir pu se marier selon les vœux de leur père, deux autres se marièrent sans grand succès : Marguerite de Mantoue (1589- 1655) et Isabelle d’Este-Modène (1591-1626).

La tradition n’a guère été favorable à la duchesse qui néanmoins vaut mieux que toutes ses apparences d’effacement, de soumission et de dévotion sectaire, certes elle est très attachée à ses enfants et à la religion (elle a laissé à l'Eglise un fils le Cardinal Maurice et deux filles religieuses clarisses restées célèbres, MARIE et CATHERINE de SAVOIE {100}, mais elle n’est pas sans pouvoir ni intelligence et sa correspondance révèle une femme dévouée aux intérêts de son mari pourtant notoirement infidèle qui lui laisse bien des responsabilités lors de ses nombreuses absences . Elle préside alors le Conseil de Savoie, s’informe de toutes les opérations militaires et diplomatiques pour mieux en prévenir son époux dont elle applique avec soin les instructions. Elle est revenue à Nice en 1592 mais du fait de la peste, de ses enfants et de la guerre on ne la vit jamais en Savoie (en dépit de son grand intérêt pour la situation de la forteresse de Montmélian). même si elle est très soumise à son époux, elle n’en demeure pas moins aussi sensible aux intérêts de son père et aux Espagnols de Milan (son attachement se manifeste d’ailleurs dans sa correspondance familiale souvent écrite en espagnol et seulement quelquefois en français).

La conjoncture de sa vie nous la situe parfaitement dans la période espagnole et antifrançaise de son mari dont elle ne vit pas les hésitations et revirements diplomatiques. En effet la duchesse meurt à 30 ans en 1597. Elle est enterrée à Vicoforte dans la basilique construite par Charles-Emmanuel, qui a encore 30 ans de vie à venir, ce qui explique qu’ayant le temps d’avoir encore bien des maîtresses, il eut onze enfants naturels.

Tombeau de Catherine-Michele à la Superga

A longue échéance cependant, le seul résultat notable de la princesse défunte fut l’introduction définitive des rites espagnols à la cour de Turin, mais aussi du fait d’une dot non payée, la prétention des Savoie sur les droits dynastiques espagnols (on s’en souviendra sous Victor-Amédée II mais aussi sous Victor-Emmanuel II).


  • RINAUDO C..: Carlo Emanuele 1. duca di Savoia / Turin, 1891. 263 p. - 263 p.
  • Un anno di carteggio epistolare tra Carlo Emanuele I di Savoia e l’infante Catarina d’Austria sua moglie . Turin. 1905. 202 p
  • BERGADANI R.: Carlo Emmanuele I. Turin. 2° ed. 1932
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  • MINOLA M. : Carlo Emanuele, un guerriero tormentato. Dronero. 2000.
  • MANSAU A. : Catherine-Michelle d’Autriche, duchesse de Savoie Mémoires Académie de Savoie. Série 7. Vol. 7. 1991
  • MANSAU A. : Catherine-Michelle d’Autriche et ses filles ou foi et politique. 34° Congrès des sociétés savantes de Savoie. Saint-Jean de Maurienne. 1993
  • MANSAU A. Catherine-Michelle, une infante d’Espagne, fille de Philippe II, duchesse de Savoie, CEFI, Turin-Chambéry
  • MANSAU A. : Catherine- Michelle d’Autriche et Nice entre 1585 et 1596. ( Recherches régionales . 157. Internet) série 7. Vol.7
  • MANSAU A. La femme au lynx. Moncalieri. 2002. 270 p.
  • GAL St. Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris., 2012