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Les Savoie-Carignan XVII°-XIX°s

Château de Racconigi (Piemont)

I - Généralités

La famille Carignan est la seule branche cadette de la Maison de Savoie à avoir pleinement réussi puisqu’elle est parvenue à ses fins, c’est à dire accéder au trône en 1831 (par hasard certes mais en satisfaction d’un désir remontant juste à deux siècles auparavant, promotion à laquelle les autres branches ( Vaud, Achaie, Tende, Nemours, Aoste) n’ont pu arriver …

A la différence de son père et même de son grand père, Charles-Emmanuel I° s’est caractérisé par une nombreuse famille (légitime et illégitime) , il s’attacha tout particulièrement à son fils Thomas fort d’un esprit actif et plein d’initiatives auquel il fit don en 1620 du fief de Carignan (au sud de Turin) et qu’il envoya en dépit de son jeune âge comme ambassadeur à Paris pour négocier le mariage de son frère ainé ( victor-Amédée -1°- avec  Christine la soeur du jeune roi Louis XIII . C’est à l'occasion de cette mission  que le jeune prince  se lia avec une héritière de la grande famille des Bourbon rattachée à la famille royale mais notons que Marie de Bourbon était née Montafié d’une grande famille piémontaise justement installée à Carignan. Ce mariage fut décisif car Marie  (1606-1692) allait diriger la famille Carignan pendant presque tout le siècle. Elle eut aussi l’intérêt de rattacher la famille naissante des Carignan à la famille de Savoie-Nemours en voie d’extinction puisqu’elle était la propre sœur de Anne-Marie d’Orléans-Longueville dernière duchesse de Savoie-Nemours….

 La famille originelle et originale

Tout s'envenima en 1637 avec la mort du duc Victor Amédée I° et l'accession de la veuve de ce dernier comme régente de son fils encore bien jeune ce que le prince Thomas admit fort mal  comme n'entrant pas dans la tradition de la famille de Savoie. La tension grandit progressivement entre Thomas suivi par l'Espagne et  de tous ses frères  et  Christine (de France)  soutenue bien sûr par  son  royal frère et surtout par Richelieu. On passa très vite à Turin de la réticence à la résistance , révolte imprégnée d’esprit nobiliaire qui anticipe à Turin la fronde parisienne de 1648. Prudente, Christine dut quitter le Piémont et se réfugier en Savoie jugée plus fidèle Officiellement elle se jetait dans la gueule du loup français mais la situation se calma avec la mort de Louis XIII et de Richelieu d'autant que Mazarin se voulait plus accommodant. C’est un corps français déjà installé en Piémont qui « reconquit » la province et permit à la duchesse d’y revenir pour traiter enfin avec sa belle-famille.

En 1642 au prix du pardon de la souveraine, Monseigneur Maurice de Carignan (fils de Charles Emmanuel I (1593-1657), quitte la prêtrise pour épouser sa jeune nièce Louise-Christine (101bis/ 1627-1687) la propre fille de Thomas  pourtant  bien plus jeune que lui , ce qui lui vaudra de passer gouverneur de Nice et prince d’Oneglia. Quant à Thomas, il passa gouverneur d’Ivrée ( ayant été gouverneur de Savoie, il connaissait la fonction même s’il ne s’y intéressa guère) en tous les cas rompant avec ses alliés espagnols, il revint au camp français , apportant à Mazarin l’aide puis l’intégration de son régiment particulier ( qui prit le nom de Carignan- Sallières) . Prudent néanmoins il revint vivre à Paris où il s’installa dans l’hôtel de sa femme, devenu le célèbre hôtel de Soissons puisque Marie avait hérité de son frère le comté de Soissons qui devint le titre principal de son fils cadet. Passant en fait au service français, Thomas prudemment ne prit aucune part à la Fronde, préférant faire campagne en Flandre et surtout en Piémont pour aider officiellement Christine et ses enfants.

A sa mort en 1656, Thomas laissa à son épouse une fille Louise-Christine de Carignan  (122 / 1627-1689) un fils aîné Emmanuel-Philibert (1628- 1709, 2° prince de Carignan) et un cadet Eugène Maurice (1633-1673, I°comte de Soissons).

Louise-Christine de Savoie  ( fille de Christine  et d'Amédée I° (101bis 1629-1692) Jeune idole du « tout Paris «  épousa François-Maximilien prince de Bade, (1625-1669) qu’elle lia à sa vie mondaine parisienne , mais l’arrivée d’un fils en 1655 accentua la fureur du margrave son beau père, qui obligea son fils à revenir au pays et qui favorisa aussi l’ enlèvement du petit Louis-Guillaume ( 1655 -17O7) . Louise-Christine resta seule à Paris et ne revit jamais son mari ni son fils que l’on regretta d’autant plus qu’ils firent tous deux de brillantes carrières dans les armées Habsbourg.


II - Les Soissons ( la tentation des femmes et des Habsbourg) - {121 à 125}

Eugéne-Maurice de Carignan (1633-1673) fut au demeurant un homme sérieux était néanmoins sans grande personnalité ni intelligence, gouverneur de la Champagne et du Bourbonnais, ambassadeur à Londres , officier valeureux, colonel des Suisses, il mourut jeune à 40 ans en Westphalie Il fut fort seulement de son mariage avec Olympe Mancini (1639-1708), la belle et active nièce du cardinal Mazarin , célèbre pour avoir été comme sa sœur Marie, une des premières affection amoureuse (malheureuses bien sûr) du jeune Louis XV . Active, affairiste, sensuelle elle eut certes les faveurs de la cour mais ses intrigues accentuées encore par son veuvage la firent accuser d’avoir participé à la célèbre « affaire des Poisons «  en empoisonnant l’ex-amie du roi, Louise de la Vallière, mais aussi son propre mari et pourquoi pas la propre belle-sœur de Louis XIV, Henriette d’Orléans Prudente elle s’exila à Bruxelles en 1680 passant dès lors presque les trente dernières années de sa vie à voyager et à intriguer .

Ce curieux ménage n’en eut pas moins de huit enfants laissés de fait à leur sort ( ou ) aux soins de leur grand-mère Carignan-Bourbon. Trois garçons et trois filles eurent de médiocres destinée ( nuançons pour le « chevalier de Savoie » Philippe qui , à 20 ans, assassina un amant de sa tante Hortense Mancini ) à la différence de leurs frères Eugéne et Louis-Thomas.

Nous ne nous attarderons pas trop ici sur le célèbre « prince Eugène « ( 1663-1736) maintes fois décrit et célébré. Retenons cependant que refusant de devenir prêtre comme l’y pressait Louis XIV et se vexant de voir le roi si peu soutenir son ambition militaire , il quitta la France (au moment même où éclatait le scandale de sa mère) pour rejoindre son oncle et son cousin de Bade dans le camp Habsbourg où il se fit rapidement remarquer dès 1683 en défendant Vienne contre les Turcs. Chef de guerre actif, valeureux et tenace, grimpant progressivement dans la hiérarchie militaire habsbourg, on le voit pendant une quarantaine d’années lutter contre les Français (en Allemagne du Sud avec le duc de Malborough pour s’imposer à la célèbre bataille de Blenheim en 1704 ou en Piémont en 1706 à Turin pour défendre son cousin Victor-Amédée II ) mais aussi contre les Turcs auxquels il reprend la Hongrie , Belgrade et la Serbie ce qui lui valut bien sûr d’un côté la reconnaissance des Hongrois ainsi « libérés » mais aussi leur amertume de se voir tombés malgré eux sous la domination habsbourg…. . Passionné d’art , devenu tout puissant mais toujours discret sur lui-même , Eugène fut une des figures européennes les plus célèbres de son époque dont la France ne cesse de regretter l’exil ( dénonçant l’erreur fatale du mépris de Louis XIV ou au contraire selon d’autres la « trahison » de cet « aventurier » ) .Cette complexité explique largement la richesse de l'historiographie de ce grand personnage : était-il ou non homosexuel ? eut-il conscience d'être un défenseur des Habsbourg ou un nouveau croisé conscient de la "libération" de l'Europe centrale ?

Eugéne avait été rejoint dans son « transfert » par son frère aîné, le second comte de Soissons, Louis-Thomas (1657-1702) que Saint-Simon nous décrit méchamment : «  C'était un homme de peu de génie, fort adonné à ses plaisirs, panier percé qui empruntait volontiers et ne rendait guère. Sa naissance le mettait en bonne compagnie, son goût en mauvaise. À vingt-cinq ans (en 1682), amoureux fou de la fille bâtarde de La Cropte-Beauvais,(1655-1717) écuyer de M. Prince (de Condé) le héros, il l'épousa au désespoir de la princesse de Carignan, sa grand'mère, et de toute sa parenté. Elle était belle comme le plus beau jour, et vertueuse, brune, avec ces grands traits qu'on peint aux sultanes et à ces beautés romaines, grande, l'air noble, doux, engageant, avec peu ou point d'esprit. Elle surprit à la cour par l'éclat de ses charmes qui firent en quelque manière pardonner presque au comte de Soissons; l'un et l'autre doux et fort polis.


.On a vu en son temps comment le comte de Soissons était sorti de France, et comment il avait été rebuté partout où il avait offert ses services. Ne sachant plus où donner de la tête, il eut recours à son cadet le prince Eugène et à son cousin le prince Louis de Bade, qui le firent entrer au service de l'empereur, où il fut tué presque aussitôt après. Sa femme, qui fut inconsolable et qui était encore belle à surprendre, se retira en Savoie ( ?????) dans un couvent éloigné de Turin où M. de Savoie enfin voulut bien la souffrir. Leurs enfants, dont le prince Eugène voulait faire les siens, sont tous morts à la fleur de leur âge, en sorte que le prince Eugène, qui avait deux abbayes et n'a point été marié, a fini cette branche « 

Louis-Thomas eut en fait deux enfants passés eux aussi à Vienne près de leur oncle. Un fils Emmanuel (1687-1729) 3° et dernier comte de Soissons épousa la richissime Marie-Thérèse de Liechtenstein mais cette union courte suivie d’un héritier décédé lui aussi jeune et sans enfant clôtura la branche des Carignan-Soissons. Victoire, sa sœur (1683-1763) elle aussi n’eut pas d’héritier, célèbre par son mauvais caractère, elle a 55 ans quand en 1738 elle épouse un lieutenant de son oncle : Frédéric de Saxe-Hildurghausen, de 19 ans son cadet, qui lorgnait de fait l’énorme fortune transmise par  le prince Eugène  à sa nièce et seule héritière. Rien ne se déroula comme convenu car le couple se sépara en 1752 n’ayant rien gardé du grand général puisque l’empereur Léopold se fit « restituer » ses châteaux et ses livres, le reste ( les tableaux et dessins ) passant à Turin aux mains du roi Charles-Emmanuel III et actuellement à la galleria Sabauda)